Ghana/Parité dans la fonction publique d’ici 2030
Une nouvelle loi adoptée pour atteindre la parité dans les postes de décision
Adoptée le 30 juillet 2024, elle a été accueillie de façon favorable par plusieurs organisations de la société civile (OSC) et les défenseurs des droits humains au Ghana. Ce projet de loi appelé projet de loi sur la discrimination positive (Affrirmative Action Bill)-appelée loi pour l’équité des genres, a été voté par la majorité du Parlement à cinq mois de l’élection présidentielle.
En attendant l’aval du président de la République, ce document cible un objectif fondamental: atteindre à l’horizon 2030, un taux de 50% de femmes au sein de « la fonction publique, la gouvernance et les postes de décision ».Il vise les ministères, les administrations, les organes de sécurité, ainsi que les assemblées locales. « Si toutes les mesures sont mises en place, ce texte a vraiment le potentiel de faire bouger les choses », affirme Sheila Minkah-Premo, avocate et cheffe de l’Affirmative Action Coalition .Elle a contribué à l’élaboration de ce texte qui contient néanmoins une faiblesse : la représentation des femmes au sein des partis politiques. Selon ses propos, « Lors des débats au parlement, certains députés ont souligné que rien, dans la Constitution ghanéenne pouvait obliger les partis à choisir une femme à un homme quand ils sélectionnent leurs candidats pour les élections législatives ».
Il convient de rappeler que depuis 2020, les femmes sont sous -représentées au parlement : 40 députés, pour 275 sièges, soit moins de 15 % du total des élus. Un chiffre largement inférieur à la moyenne des parlements d’Afrique subsaharienne (27,3%) d’après le rapport de l’Union interparlementaire publié en 2023.Cette loi prévoit également une série de mesures concernant l’éducation, la santé et la représentation des femmes dans le secteur privé. A ce niveau, le texte stipule qu’un employeur « doit prendre des mesures pour assurer l’égalité progressive entre les hommes et les femmes au sein de son personnel ». Une mesure si elle est respectée, comprend d’avantages fiscaux et de facilités d’accès aux marchés publics. Des sanctions financières et pénales sont également prévues en cas d’infraction.
Défi culturel
Ce texte, qualifié de révolutionnaire au Ghana, bien que salué par la grande majorité suscite de la méfiance du côté des OSC. Elles préviennent « qu’elles resteront vigilantes sur l’application de la loi ». La militante ghanéenne pour l’égalité des genres Felicity Nelson se souvient par exemple de la loi liée contre les violences domestiques, votée en 2007 .Elle précise que : « Le texte prévoyait la mise en place d’un fonds d’aide aux victimes. Des années plus tard, il n’existe toujours pas. Ce, malgré une décision de justice obligeant le gouvernement à le faire ».Les stéréotypes liés au genre, se retrouvent dans la société ghanéenne. Dans son rapport de 2023 intitulé Les Voies de l’égalité, l’Organisation des Nations unies signalait la faiblesse du niveau d’autonomisation des femmes au Ghana. « Notre plus grand défi est culturel, souligne Genevieve Partington, directrice d’Amnesty International Ghana. Et cela pourrait retarder l’acceptation, et donc la mise en place de la loi. »
Adopté cinq mois seulement avant une échéance politique majeure, il n’est en revanche pas certain que le texte aura une quelconque influence sur le vote des électeurs – et électrices. Chris Atadika, chercheur en sciences politiques à l’Université du Ghana. « Les Ghanéens ne tiennent traditionnellement pas compte des enjeux sociétaux dans leur vote. Ce qui compte avant tout, c’est l’amélioration de leur situation économique immédiate ». Le Ghana subit une crise économique sans précédent depuis 2022, avec un taux d’inflation qui dépasse toujours les 20 % en août 2024.Les avis sont vraiment partagés. Selon Chris Atadika :« Sur le terrain de l’égalité des genres, il serait forcément perdant face au Congrès démocratique national [NDC] ». Le principal parti d’opposition « propose, énormément, si ce n’est plus de réformes dans ce domaine. Et, contrairement au NPP, le candidat du NDC, John Mahama, a choisi une femme, Jane Naana Opoku-Agyemang, comme colistière ». En juillet, selon le dernier sondage de l’institut ghanéen Global Info Analytics, les intentions de votes de l’électorat féminin allaient à 48 % au NDC, contre 41 % pour le NPP.
Le nouveau texte prévoit également d’agir sur la représentation des femmes dans le secteur privé. L’engagement du Ghana en faveur de l’égalité des sexes s’étend sur plus de 50 ans, comme en témoigne une loi sur l’action positive en 1960 ouvrant la voie à 10 femmes à la première assemblée nationale alors que le Ghana devient une république. Le Ghana a signé et ratifié des traités et des cadres internationaux et régionaux visant à accroître le rôle des femmes dans le développement national.
Joseph Kapo